Au cours de la visite de l’expo du Grand Palais consacrée à Félix Vallotton, un détail de cette toile m’a particulièrement intrigué. Il s’agit des rideaux destinés à masquer le miroir (?) , dont la fonction m’ a paru étrange et mystérieuse. Au cours des échanges avec d’autres visiteurs, (des visiteuses, au demeurant, tout autant intriguées ), j’ai suggéré une interprétation symbolique, Vallotton étant coutumier, me semble-t-il, de ce genre de clin d’œil à connotation érotique.
Par exemple, je pense que « La Paresse » pourrait s’intituler « La caresse » pour des raisons que vous pourrez aisément imaginer…en vous référant à la polysémie du mot « chatte » !
Autre exemple dans « La Salamandre » …
… où la rime visuelle en symétrie des fesses et du poêle suggère clairement à mes yeux le « feu aux fesses ». Et on pourrait certainement trouver d’autre exemples au sein ( !) des nombreuses œuvres (1700 peintures ou gravures ! ) de Vallotton
Comme quoi, cela peut servir, parfois, de ne pas être seulement « obsédé textuel » !
Mais revenons à nos rideaux et à la « Chambre rouge« . Les personnages sont manifestement des amants, (il est douteux qu’il s’agisse d’ une prostituée et de son client, compte tenu du décor « bourgeois »). Ces rideaux insolites pourraient suggérer métaphoriquement le fait que l’adultère impose de cacher ce qui ne saurait être vu, et/ou de mettre le sentiment de culpabilité entre les parenthèses … des rideaux .
En outre, plusieurs d’entre nous ont remarqué que les reflets ne semblaient pas correspondre aux objets du premier plan, alors qu’un des chandeliers se reflète dans ce qui semble bien être un miroir et non une vitre. Artifice, comme le fait d’avoir supprimé un bras du fauteuil pour ne pas empiéter sur la forme géométrique de la cheminée ?
L’une des deux commissaires de l’expo a fait ce commentaire à propos de ce tableau : « sur la cheminée un buste de Vallotton lui-même, posé devant un tableau de Vuillard que Vallotton venait d’avoir, et qui représente une scène autour de l’adultère. »
OK pour le buste de Vallotton.
Quant au tableau… J’avais repéré à droite une forme féminine qui, en effet, pourrait faire penser à un tableau de Vuillard. Ce qui expliquerait aussi que l’hypothétique reflet ne corresponde pas au premier plan.
Mais quid du reflet du chandelier de droite ? Pour moi, ça ne colle pas vraiment !
Et quand bien même il s’agirait d’un tableau, une question demeure : quelle est la fonction de ces rideaux ? Il ne s’agit pas de « l’Origine du monde » de Courbet, quand même !
Quoi qu’il en soit, si l’un des objectifs de Vallotton était de nous intriguer, il doit jubiler dans sa tombe… sans se retourner.
Et pour paraphraser une citation célèbre : le presbytère n’a rien perdu de son charme… ni le rideau de son secret !
Vous trouverez dans la colonne de droite un lien vers l’album de photos (autorisées !) que j’ai prises au cours de la visite de cette exposition. Ne pas utiliser le diaporama si vous souhaitez lire les titres et les dates.
Et en commentaire ci-dessous, quelques infos glanées au cours de la passionnante conférence donnée par Gilbert Croué au Musée de Grenoble, en septembre 2013, à l’occasion de cette exposition. Musée qui, d’ailleurs, possède une des œuvres majeures de Vallotton , laquelle figure en couverture de plusieurs magazines ou livres consacrés à cette expo. Il s’agit de « Femme nue assise sur un fauteuil rouge » dont j’ai placé la photo en tête de l’album et que voici :